histoires | texte d'auteur

Entre avant-garde et Hollywood

Auteur

Denise Tonella

Date

30 novembre 2023

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Histoires

Cette année, le programme «Histoires du cinéma suisse» est consacré à la plus ancienne société de production de Suisse: en 2024, Praesens-Film AG fête ses 100 ans d’existence. Les Journées de Soleure et filmo présentent cinq perles méconnues du catalogue très varié de la société, dont «The Village», projeté pour la première fois à Cannes dans les années 1950 et dont la version numérique sera présentée en première suisse.

Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, le jeune Lazar Wechsler, originaire de Pologne russe, est de passage en Suisse avec sa mère et un de ses frères. Il ne sait pas encore qu’il deviendra une figure centrale du cinéma suisse dans les décennies suivantes. La famille juive décide dans un premier temps de rester à Zurich, et Lazar Wechsler étudie l’ingénierie à l’Ecole polytechnique de Zurich. En 1924, il co-fonde la société Praesens-Film AG avec Walter Mittelholzer, entrepreneur dans le domaine des médias, pionnier de l’aviation et futur cofondateur de Swissair. La femme de Lazar, Amalie Wechsler, est également de la partie. Partenaire essentielle, elle endosse les rôles les plus divers. Tous trois ont la bougeotte et n'ont de cesse de parcourir le monde. En 1925, Walter Mittelholzer réalise «Mein Persienflug», le documentaire d’une expédition au départ de Zurich pour Smyrne, Bagdad et Téhéran.

Films d’avant-garde et sujets tabous

En 1929, c’est le film muet «Frauennot – Frauenglück» qui voit le jour. Le film de sensibilisation sur la grossesse et l’avortement a été réalisé avec le soutien de la direction de la santé de Zurich et de la clinique gynécologique universitaire. Aux images bouleversantes de la souffrance et de la mort des femmes qui subissent un avortement clandestin, l’équipe de tournage soviétique dirigée par Eduard Tissé oppose les possibilités de traitement professionnel offertes par une clinique gynécologique moderne et hygiénique. Le film est courageux et échauffe les esprits. Il est interdit dans certains cantons – et cartonne auprès du public.

C’est un tout autre sujet qu’aborde «Die Schatten werden länger» (1961), un mélodrame du réalisateur hongrois Ladislao Vajda dont l’action se déroule dans une maison de redressement pour jeunes filles en Suisse. Le film a pour thème la prostitution et l’extorsion subie par les jeunes femmes – ceci à une époque où la prostitution est encore une zone d’ombre pour l’opinion publique.

Un air d’Hollywood

Suite à la prise de pouvoir d’Hitler en Allemagne en 1933, le metteur en scène juif Léopold Lindtberg, originaire de Vienne, s’établit à Zurich. Il devient l’un des principaux metteurs en scène du Schauspielhaus de Zurich et une figure de proue du cinéma suisse. Lazar Wechsler l’engage pour la première fois en 1935. Les films de Lindtberg comptent parmi les principaux de la défense nationale spirituelle. «Füsilier Wipf» (1938), «Landammann Stauffacher» (1941) ou «Marie-Louise» (1944) symbolisent à la fois l’esprit de défense et la tradition humanitaire de la Suisse. Après la guerre, il réalise Swiss Tour (1949), une romance de sports d’hiver avec la star hollywoodienne Cornel Wilde, tournée dans des conditions catastrophiques.Si les critiques l’estiment banal, le film n’est pas pour autant un échec, puisqu’il reste neuf semaines à l’affiche rien qu'à Zurich. Dans The Village (1953), Lindtberg se penche sur des orphelins de la Seconde Guerre mondiale qui trouvent un foyer temporaire en Suisse. Le film, tourné en Suisse et en Angleterre, est largement diffusé sur le marché international et remporte l’Ours de bronze à la Berlinale.

Entre les années 1920 et la décennie 1960, Praesens-Film AG produit des films qui, dans leur ensemble, racontent une tranche de l’histoire culturelle suisse. Ils sont un miroir de l’époque, de la politique et de la société du moment. Ils montrent les bons côtés, mais aussi la face obscure d’un monde qui a connu des bouleversements, la guerre, une crise identitaire aussi bien que la fièvre hollywoodienne.

 

- Denise Tonella, directrice du Musée national suisse

(En partenariat avec la Cinémathèque suisse, le Musée national de Zurich présente jusqu'au 21 avril 2024 l’exposition «Close-up. Une histoire du cinéma suisse», qui examine les films de Praesens-Film AG à travers les prismes du temps, de la politique et de la société: www.landesmuseum.ch/closeup)

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Présente du 12 jan au 14 jan 2020

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