Cette année, le «Panorama» des Journées de Soleure propose des fictions et des documentaires pour partir à la découverte de notre expérience humaine.

Que signifie, aujourd’hui, trouver sa place et tenter de s’intégrer dans un environnement hostile, en constante mutation? Comment faire partie d’une famille, d’une communauté, d’un langage, d’une narration – ou même de sa propre histoire – dans une époque qui se fragmente de toute part, où les incertitudes se multiplient et les voix deviennent de plus en plus dissonantes? Comment trouver sa place dans une société qui, si elle tente de fonctionner dans son ensemble, est rongée par l’injustice et les inégalités, par des blessures anciennes qui frémissent encore sous la surface?

Dans plusieurs des films proposés par le cinéma suisse cette année, on retrouve cette volonté d’explorer ce thème urgent: les multiples facettes de ce besoin profondément humain qu’est l’appartenance.

Pour certain.e.s protagonistes, s’adapter et trouver sa place est bien plus qu’une simple tentative de se conformer: c’est un acte de courage, celui de vivre fiévreusement sur le seuil, prêt.e.s à partir ou à rester, dans une constante suspension. La recherche d’une appartenance se révèle jusque dans la précarité : comme cet adolescent qui passe d’un foyer à l’autre, d’une famille d’accueil à une autre, dans une quête de soi à la fois tendre et furieuse; ou cette mère qui lutte contre l’exclusion sociale, les dettes, le manque de travail, et qui revendique avec obstination sa dignité et sa capacité à espérer; ou encore cet homme qui a cessé de penser en termes de performance ou de travail, et qui attend les «grandes vacances de l’humanité» imposées par le progrès technologique. Il a choisi de transformer sa vie en un acte de rébellion poétique. Autant de portraits intimes, à fleur de peau, de ces Sisyphe contemporains qui peinent à avancer dans un quotidien écorché, conscients que dans l’effort et la résistance réside une forme de liberté.

D’autres histoires racontent celles et ceux qui ont dû tout laisser derrière eux : les proches, la langue, le pays lointain. Ceux qui ont changé de culture et appris à nommer les choses avec de nouveaux mots. Des parcours de reconstruction longs et douloureux, pour donner forme à un avenir possible, entre les frontières invisibles et les préjugés d’un monde peu enclin à promettre.

Et puis, il y a celles et ceux qui cherchent un lien dans le souvenir, dans l’urgence de raconter, de fixer ce qui reste après les massacres, la guerre et la dévastation : une présence, une maison, un sourire, une géographie du cœur qui ne peut s’exprimer plus que par les mots ou par un contour tracé au sol. Certains retournent parmi les ruines. Pour redonner forme, redonner voix – ne serait-ce que quelques instants – à une histoire effacée. Pour remettre en scène les joies, les traumatismes, la chaleur des gestes et des espaces perdus. Pour retrouver leur place dans la fragilité d’une mémoire personnelle et collective. Appartenir c’est aussi refuser de fermer les yeux sur ses responsabilités, sur ses héritages toxiques. C’est comprendre ce que nous avons été et ce que nous ne voulons plus être. C’est réfléchir de façon critique à des notions comme la «solidarité» et la «paix», pour leur redonner du poids avant qu’elles ne deviennent des reflets vides. C’est trouver la note juste, celle qui s’insère dans le contrepoint d’une ligne mélodique. C’est offrir des images inattendues et authentiques – comme la légèreté d’une danseuse immergée au fond d’une grotte d’eau douce, suspendue dans le silence.

Dans une salle de cinéma, les places sont attribuées. Et pourtant, quand les lumières s’éteignent, personne ne reste vraiment à sa place. Regards et expériences se rencontrent, se fondent dans l’enchantement de l’humain. Peut-être que le sentiment d’appartenance commence ici. Dans le silence qui nous enveloppe, lorsque nous décidons de «ressentir» ensemble. Et il n’existe sans doute pas de meilleur endroit qu’un cinéma pour comprendre que, même à distance, nous faisons toutes et tous partie de la même histoire.